A l’issue de la crise sanitaire liée au coronavirus, employeur et salarié entendent signer une rupture conventionnelle pour rompre la relation de travail ?
Définition et délais
La rupture conventionnelle permet une rupture amiable du contrat de travail conclu entre le salarié et l’employeur. Il s’agit effectivement d’une rupture d’un commun accord, procédure rapide et de négociation.
La rupture conventionnelle est encadrée aux articles L1237-11 à L1237-16 du Code du travail. L’employeur et le salarié déterminent ensemble les conditions de la rupture.
A l’issue de la signature de la rupture, les parties disposent d’un délai de rétractation de 15 jours pour revenir sur leur décision. A l’issue du délai de rétractation, le dossier est instruit dans un délai de 15 jours ouvrables et une homologation par la DIRECCTE est délivrée aux parties.
Les parties disposent alors de 12 mois suivant l’homologation pour contester cette rupture devant les tribunaux prudhommaux.
Rupture conventionnelle pendant l’urgence sanitaire ?
L’ordonnance du 25 mars 2020 avait suspendu les délais de rétractation et d’instruction. Par décret du 24 avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’état d’urgence sanitaire, la sécurité de la rupture conventionne est rétablie.
Le délai de rétractation et d’homologation n’étant plus suspendus, il est désormais possible de conclure des ruptures conventionnelles pendant la crise sanitaire.
L’employeur peut donc proposer une rupture conventionnelle à son salarié mais ce ne sera pas sans risque.
L’obligation de mener un entretien avant la rupture
La rupture conventionnelle nécessite, à peine de nullité, un ou plusieurs entretiens avec le salarié. Or, à l’issue du déconfinement du 11 Mai 2020, certaines entreprises n’ont pas souhaité redémarrer immédiatement leur activité et maintiennent les solutions de chômage partiel ou de télétravail.
Ainsi, la mise en œuvre d’un entretien avec le salarié peut s’avérer compliqué. Toutefois, l’absence d’un tel entretien entrainera la nullité de la rupture conventionnelle et la réintégration du salarié dans les effectifs ou le dédommagement de ce dernier.
Le risque d’un vice du consentement
Il convient de rappeler que la rupture conventionnelle doit être conclue d’un commun accord entre l’employeur et le salarié.
Si le salarié est contraint de signer la rupture du contrat ou si cette dernière est faite dans les conditions défavorables, il peut en contester la rupture.
Ainsi, la rupture conventionnelle prise à l’initiative de l’employeur pour pallier ses difficultés économiques à l’issue de la crise sanitaire serait annulée si le salarié invoquait un vice du consentement.
Le consentement n’est pas libre lorsqu’il résulte :
- D’un dol : l’employeur a trompé le salarié pour l’inciter à signer la rupture conventionnelle (en oubliant de mentionner certaines informations).
- De violences physiques, morales : l’employeur a exercé des pressions physiques / ou morales sur le salarié pour obtenir sa signature.
- D’une erreur : le salarié a commis une erreur et n’a pas compris ce que sa signature engendrait.
Le salarié pourrait soulever un harcèlement moral de l’employeur viciant son consentement. Il pourrait aussi invoquer une violence engendrée du fait du COVID19 le conduisant à signer la rupture conventionnelle.
Il pourrait alors contester son accord à la rupture devant les conseils prudhommaux. La rupture pourrait donc être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié pourrait alors obtenir des indemnités de licenciement, conformément au barème Macron.
L’employeur doit prendre en compte un tel risque avant d’envisager une rupture conventionnelle dans ce contexte de crise.
L’avis formulé par la DIRECCTE
La direction régionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l’emploi sera chargée d’homologuer la rupture.
Cette dernière peut émettre un avis défavorable et refuser l’homologation.
Actuellement, eu égard au contexte de crise sanitaire lié au coronavirus, la DIRECCTE pourrait considérer qu’une telle rupture conventionnelle vise uniquement à contourner les règles du licenciement économique, à savoir la mise en place d’un Plan de Sauvegarde de l’emploi dans certains cas et la consultation des institutions représentatives.
La rupture conventionnelle visant à pallier les difficultés économiques de l’entreprise ne saurait être validée. L’employeur souhaitant passer par la rupture conventionnelle pourrait se voir refuser l’homologation.
Ce risque est également à prendre en compte avant toute démarche en ce sens.
Le même raisonnement est applicable au salarié protégé. La consultation de l’inspecteur du travail est préalablement nécessaire. Ce dernier pourrait estimer qu’il s’agit d’un moyen de contourner le licenciement économique en cette période de coronavirus.
Enfin, la rupture conventionnelle entraine une indemnité due au salarié. Elle peut être élevée selon l’ancienneté de ce dernier. L’employeur devra donc prendre en compte cette indemnité avant d’envisager une rupture conventionnelle.
Maître Emilie BENDER, avocat en droit du travail, assiste et conseille l’employeur ou le salarié en matière de rupture conventionnelle. Pour plus d’informations, contactez le cabinet.